Le « big quit », qu’est-ce que c’est?

Pas besoin de passer sa journée, scotché devant son écran, à regarder BFM Business pour se rendre compte du profond impact qu’a eu la crise sanitaire sur le monde du travail. En effet, comme le montre le Bureau des Statistiques du Travail aux Etats-Unis, 4 millions de personnes ont quitté leur travail en juillet 2021. Ce phénomène massif est venu bouleverser une économie américaine déjà affaiblie par les vagues successives des différents variants du Covid et a conduit différents économistes à s’intéresser aux causes profondes de ce nouveau mal-être au travail afin de tenter de stopper cette hémorragie de travailleurs. Le Covid a-t-il révélé une crise du sens au travail ? Un besoin de reconnaissance plus profond de la part de travailleurs particulièrement exposés à la crise sanitaire ? Ou bien la généralisation du télétravail a-t-elle rendu trop poreuse la frontière entre vie privée et vie professionnelle ?

Une réalité complexe

  En réalité, il semble que la réponse à toutes ces questions soit plus complexe et nuancée que ce qu’on imagine. Evidemment, il est important de rappeler que le caractère exceptionnel de la crise sanitaire et ses effets sur le monde du travail ne sauraient rendre compte à eux seuls de ce « big quit » américain. Néanmoins, comme l’ont démontré les récents chiffres du marché de l’emploi aux Etats-Unis, l’amélioration de la situation sanitaire a conduit mécaniquement à un ralentissement de ce phénomène de démissions massif. Ainsi, il semble raisonnable de considérer que le caractère exceptionnel de la crise sanitaire puisse expliquer en grande partie la « Grande Démission » américaine. Cependant, comme le soulignent de nombreux économistes depuis maintenant bientôt 2 ans, le covid a également conduit à des mutations importantes du monde du travail – notamment en transformant le rapport au télétravail – et a souligné l’existence de forces structurelles qui ont-elles aussi participé à nourrir ce big quit au pays du travail-roi.

Comment expliquer ce phénomène de démissions en masse?

   Par exemple, une enquête réalisée par Adobe a montré que cette vague de démissions était principalement portée par les Millenials et la génération Z dont le rapport au travail est profondément différent de celui de leurs parents. Plus susceptibles d’être insatisfaits par leur job, les nouvelles générations refusent désormais de passer leur vie enfermés dans des « bullshit jobs » – des postes aux missions inutiles dont personne ne veut parler et qui n’apportent rien à la société. Ainsi, nombreux consultants en stratégie, avocats d’affaire et autres lobbyistes ont alimenté ce phénomène et se sont mis à recherche d’un nouvel emploi qui, cette fois, aurait du sens à leurs yeux et apporterait une plus-value à la société. Au-delà de ce besoin de sens, ou plutôt à cause de ce manque de sens, les millenials et la génération Z se sont retrouvés à mener des tâches techniques et complexes, où les montagnes de nombres servent à concevoir des stratégies pour optimiser des processus qui permettront eux de maximiser les entrées… Barbant non ? Vous m’excuserez l’expression mais ce ressenti n’est pas le mien mais celui de millions de jeunes qui ne comprennent plus l’utilité du produit de leur travail. L’anthropologiste David Graeber le dit très bien, en privant les jeunes de sens au travail, les entreprises les ont poussés à se comporter comme des étudiants en période de révisions : alternant travail excessif et procrastination dans une spirale insupportable aux conséquences psychologiques délétères. Si l’on rajoute à ça, une généralisation progressive du télétravail qui est venue fragiliser les équilibres de vie de tous en déconstruisant les frontières de la sphère privée, on comprend mieux en quoi ces conditions de travail déplorables conduisent souvent à un mal-être professionnel voire à des burnouts, et s’imposent aujourd’hui comme un des plus puissants moteurs de cette grande démission.

« Bullshit jobs » vs « shit jobs »

  Paradoxalement, la crise sanitaire a dans le même temps mis en lumière la précarité des travailleurs « du front. » Comme le rappelle David Graeber, dans nos sociétés contemporaines, plus on est utile, moins est payé. Ce constat s’est de nouveau invité à la table des débats depuis 2020 et a dessiné progressivement un tableau insoutenable : d’un côté des cadres du tertiaire se dévitalisaient et se démotivaient totalement depuis leur canapé à mesure de leur prise de conscience de l’inutilité de leur job, et d’un autre côté, des travailleurs essentiels frappés par la précarité luttaient au détriment de leur santé physique et mentale pour continuer de faire tourner le pays. Ces contradictions absurdes ont donc fait émerger une certaine dualité entre les bullshit jobs et les shitty jobs, entre les « jobs à la con » bien payés car superflus et les « jobs de m***e » précarisés car essentiels.

Que sait-on de l’ère post-Covid?

  Dès lors, le Covid semble bien avoir marqué une rupture et il apparaît aujourd’hui difficile d’envisager un retour en arrière. Face à cette perte de repères des travailleurs, la société et les entreprises vont devoir faire émerger de nouvelles solutions, de nouvelles méthodes et de nouveaux chemins pour repenser le travail et reconstruire les équilibres de vie des travailleurs. Finalement, pour y arriver, ne serait-il pas utile de reconsidérer cette porosité nouvelle entre vie professionnelle et vie privée que le Covid a apportée ? N’est-ce pas une opportunité intéressante pour éclairer le travail à la lumière de nos désirs et ambitions intimes ? Ce nouvel équilibre à trouver dans le cadre du télétravail, n’est-il pas une occasion de remettre les choses à leur place et de se rappeler que « l’on travaille pour vivre » plus que « l’on ne vit pour travailler ? » Car oui, vivre c’est apprendre à s’écouter de nouveau tout en s’ouvrant aux autres, c’est réfléchir à ce que l’on veut pour soi et ce que l’on veut apporter à la société, c’est remettre l’humain et le plaisir au cœur de nos préoccupations. Face à cette montagne de défis aussi inédits qu’excitants à relever, BMT est là pour accompagner les collaborateurs dans leur quête de repères grâce à son programme Flourish, et à ses bilans de sens personnalisés, bienveillants et inclusifs.