Le Forum Economique Mondial (World Economic Forum, ou WEF) a lancé en 2022 son « Alliance Mondiale pour la parité ». Cette alliance vise à promouvoir et à partager les meilleures pratiques en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DE&I).

L’objectif derrière cela est de permettre aux organisations d’apprendre les unes des autres, en partageant des exemples d’actions DE&I qui ont produit des résultats efficaces, afin que toutes puissent devenir des lieux de travail inclusifs et accueillants pour tous.

La semaine dernière, le WEF a publié son rapport 2023, en collaboration avec le cabinet de conseil McKinsey & Company. Le rapport fait un constat sans concession de la situation actuelle, et identifie 5 leviers de succès communs aux initiatives DE&I ayant obtenu des résultats significatifs dans le monde de l’entreprise. Ce tout nouveau rapport met également en lumière les actions que chacun peut prendre à son niveau pour promouvoir l’inclusion en entreprise, ainsi que des initiatives concrètes prises par des entreprises leaders dans leur secteur, ayant œuvré à améliorer la parité et la diversité.

Tout d’abord, où en sont les entreprises dans leurs efforts en DE&I, en 2023 ?

Le rapport débute sur une note positive puisque l’on peut en effet voir que les enjeux DE&I ont de plus en plus de visibilité au sein des entreprises. Le World Economic Forum prévoit ainsi que les investissements liés aux efforts de DE&I vont doubler entre 2020 et 2026, pour dépasser les 15 milliards de dollars. Est-ce pour autant suffisant ? Hélas non, puisque le World Economic Forum estime qu’il faudra encore 151 ans pour voir disparaitre l’écart économique mondial entre les deux sexes, si les sociétés et les entreprises gardent le même rythme. Un autre chiffre m’a particulièrement frappé : les femmes représentent seulement 17% des effectifs au sein des technologies en croissance dans l’Union européenne… Plus généralement d’ailleurs, les changements des normes en termes lieu de travail, y compris le travail à distance accru, peuvent amplifier les dynamiques non inclusives existantes faisant des enjeux DE&I des sujets non-prioritaires.

Evidemment, le but ici n’est pas de voir le verre à moitié vide. Ces défis présentent également une opportunité de changement et une incitation à redéfinir les normes et les environnements de travail, afin de maximiser la diversité et l’inclusion au sein des entreprises.

Quels sont les facteurs de succès des initiatives DE&I identifiés dans le rapport ?

Comme nous venons de le voir, malgré les efforts déployés pour améliorer la situation, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’égalité des sexes et la diversité culturelle au sein des entreprises. Pour réussir à mettre en place des initiatives D&I efficaces, il est essentiel de comprendre les causes profondes des problèmes et de définir des aspirations claires et quantifiables.

1er facteur de succès des initiatives DE&I : la compréhension nuancée de la cause profonde du problème rencontré

En effet, pour comprendre les problèmes liés à la D&I, il est important de s’appuyer sur une base factuelle approfondie. Il est également important de identifier les causes profondes des inégalités et d’obtenir des informations de la population cible avant, pendant et après la mise en place des initiatives. Enfin, il est crucial de hiérarchiser et d’ordonner les domaines problématiques pour pouvoir mettre en place des solutions efficaces.

2ème facteur de succès des initiatives DE&I : Une définition pertinente du succès

Pour réussir les initiatives D&I, il est essentiel de fixer des aspirations claires et quantifiables. Il est également important de formuler un argumentaire clair en faveur du changement pour inciter les employés à agir.

3ème facteur de succès des initiatives DE&I : Des dirigeants d’entreprise responsables et investis

Pour que les initiatives D&I réussissent, il est crucial que les dirigeants d’entreprise les considèrent comme une priorité. Les hauts dirigeants doivent être responsabilisés et doivent modéliser et conduire le changement souhaité. Il est également important de garantir les ressources nécessaires pour une approche soutenable.

4ème facteur de succès des initiatives DE&I : Une solution conçue en fonction du contexte de l’entreprise

Il est important d’élaborer des solutions qui s’attaquent à la cause profonde des problèmes, tout en tenant compte de l’évolutivité des situations. Les changements doivent être intégrés dans les principaux processus et méthodes de travail pour une meilleure prise en compte et les employés doivent être équipés et encouragés à contribuer.

5ème facteur de succès des initiatives DE&I :  Un suivi rigoureux des indicateurs de performance, permettant une possible correction de trajectoire

Il est important de définir des indicateurs clés de performance et de mettre en place des processus de suivi rigoureux. Les données et les feedbacks doivent être utilisés pour corriger le tir si nécessaire.

En résumé, pour réussir les initiatives D&I, il est crucial de comprendre les causes profondes des problèmes rencontrés par les entreprises, de définir des aspirations claires et quantifiables, de responsabiliser les dirigeants d’entreprise, de concevoir des solutions adaptées au contexte et de suivre rigoureusement les résultats pour corriger si nécessaire les actions entreprises en interne.

Maintenant que nous avons abordé les facteurs de réussite organisationnels et normatifs, il est clef d’adresser un autre changement, tout autant stratégique : l’adaptation des comportements des individus qui composent ces organisations, selon leur position dans l’entreprise.

Quelles sont les actions visant à créer un environnement de travail inclusif identifiées par le World Economic Forum ?

Les employés, les managers et les leaders en entreprise ont des rôles centraux à jouer pour promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion dans leur organisation. Il est intéressant d’ailleurs de noter que les responsabilités des employés en termes de mise en place et de promotion d’une culture inclusive s’appliquent aussi aux managers et aux leaders, et que les responsabilités additionnelles des managers concernent également les leaders de l’entreprise. En somme, plus on a de responsabilité dans l’entreprise, et plus la prise en charge et l’implication dans les enjeux DE&I doivent être importantes.

Quelles actions sont préconisées par le World Economic Forum en ce qui concerne les collaborateurs et les collaboratrices de l’entreprise ?

  • Être curieux et demander d’autres perspectives pour remettre en question ses propres points de vue.
  • S’approprier son processus d’apprentissage en ce qui concerne les enjeux DE&I, en écoutant des podcasts, en regardant des vidéos et en suivant des formations.
  • Demander des feedbacks réguliers sur la façon de s’améliorer en matière d’inclusion.
  • Écouter activement et poser des questions ouvertes avant de porter un jugement.
  • Utiliser un langage inclusif et ne pas présupposer du genre d’une personne
  • Vérifier régulièrement comment soutenir au mieux les autres, et notamment les personnes avec lesquelles on travaille régulièrement.
  • Aborder les dynamiques d’équipe non inclusives en demandant proactivement aux autres de contribuer s’ils sont interrompus ou si leur voix n’est pas entendue. Cela contribue d’ailleurs à la mise en place d’un environnement de travail sûr psychologiquement, dont nous parlions dans un article précédent.
  • Recourir au feedback et à la communication directe pour mettre en évidence les points à améliorer au sein de l’équipe.
  • Donner de son temps pour soutenir les groupes d’affinité et potentiellement pour connecter l’organisation à des partenaires communautaires.

Toutes ces actions sont attendues également de la part des managers et des business leaders. Mais qu’attend-on en plus des managers ? Pour les managers et les chefs d’équipe, il est important de :

  • Donner l’exemple et récompenser les comportements inclusifs.
  • Tenir compte de la dynamique du pouvoir et inviter les contributions, par exemple des personnes avec moins d’ancienneté dans l’équipe.
  • Demander la contribution de chacun dans les réunions et solliciter des idées avant la réunion pour qu’elles soient toutes prises en compte de manière égale. Cela signifie également prendre en compte les différentes manières dont vos collaborateurs et collaboratrices vont structurer leur pensée, et donc inclure la neurodiversité dans votre stratégie d’animation d’équipe. Nous avions d’ailleurs partagé les bonnes pratiques d’animation de réunion prenant en compte la neurodiversité dans un article précédent.
  • Créer des canaux de feedbacks pour l’équipe (contrôles réguliers, enquêtes anonymes, sondages d’opinion).
  • S’engager visiblement dans la DEI en investissant du temps dans les efforts de DEI, protéger le temps des membres de l’équipe pour qu’ils puissent faire des efforts liés à la DEI et récompenser les membres de l’équipe pour leur investissement dans les efforts de DEI.

Enfin, pour les leaders (membres du conseil d’administration, conseillers externes…), il est important de :

  • Analyser de manière critique les voix apportées à la discussion et rechercher de manière proactive d’autres voix si des perspectives manquent.
  • Renforcer la responsabilité en tenant la direction de l’entreprise responsable de la réalisation des résultats de la DEI.

Il est important de noter que ces actions ne sont pas exhaustives et qu’il est important de continuer à apprendre et à s’adapter pour s’assurer que l’entreprise est inclusive et équitable pour tous les collaborateurs, et pour toutes les collaboratrices.

Le rapport met ainsi en valeur des initiatives prises par des entreprises leaders dans leur secteur (Schneider Electric, Salesforce, Nokia, McKinsey, Cisco, EY…), pour booster l’inclusion au sein de leurs équipes. On y parle par exemple d’initiatives clefs pour l’inclusion des populations LGBTQIA+, comme le programme « OUT Leaders » de Nokia pour amplifier les voix de la population LGBTQIA+, ou encore les actions prises par Salesforce incluant le remboursement et le congé d’affirmation de genre, des services de conseil gratuits, et le remboursement des frais de garde-robe et des frais juridiques.

En conclusion, ce rapport montre qu’il reste encore beaucoup de travail en termes de diversité et d’inclusion, malgré la lumière dont bénéficie actuellement un certain nombre d’initiatives DE&I. La parité économique et financière n’est pas un acquis, et j’encourage vivement les managers d’aujourd’hui à s’inspirer des initiatives concrètes proposées dans le rapport, et à échanger avec leurs pairs (en dehors également de leur propre entreprise), afin de partager les bonnes pratiques, et créer l’émulation voulue par l’Alliance mondiale de la parité.