Les GAFAM investissent de manière massive l’univers du recrutement, des RH et de la formation, permettant ainsi de formater les pratiques RH en fonction de leur culture et de leurs besoins.

  Le 7 juin dernier, Google lançait en France sa fonctionnalité d’agrégation d’offres d’emploi, un an après l’arrivée de Facebook jobs. Au-delà de cet exemple révélateur, les GAFAM semblent investir de plus en plus le domaine des ressources humaines et leur influence apparaît désormais comme incontournable. Néanmoins, du marché des annonces d’emploi à celui des solutions de gestion du recrutement, peut-on dire que ces mastodontes américains sont sur le point de révolutionner les RH ?

  De fait, le nouvel agrégateur de Google (qui se base sur d’autres agrégateurs comme Monster ou Figaro Classfields) détonne déjà face à son concurrent Indeed en privilégiant les annonces les plus complètes – notamment celles qui comportent des informations concernant le salaire. De par sa visibilité et ses moyens, Google semble donc en mesure d’influencer durablement les pratiques numériques d’offres d’emploi en faisant remonter dans son algorithme de recherche les annonces les plus susceptibles d’attirer les internautes. Néanmoins, il semble important de relativiser la portée de ce géant du numérique en rappelant que, pour l’instant, les sites spécialisés comme Indeed restent majoritaires sur leur segment et continuent de produire les normes dans ce domaine.

  Néanmoins, la force des GAFAM repose surtout sur leur capacité à influencer la chaîne de l’emploi de la phase de recherche d’un job aux processus internes de gestion du recrutement des entreprises. En effet, l’ATS de Google (son logiciel de recrutement) déjà disponible depuis plusieurs années en Amérique du Nord et au Royaume-Uni a rapidement gagné des parts de marché. En couplant ce logiciel avec GSuite sa plateforme d’application, Google tente de séduire les professionnels RH avec son offre du tout-en-un.              Avec un outil capable de gérer le vivier de candidats, de planifier les entretiens et d’échanger par chat avec les managers tout en centralisant l’information, le géant américain offre de nouvelles perspectives aux PME avides de ce genre d’interface. Cependant, la véritable force de Google est surtout de proposer des solutions innovantes se basant sur l’Intelligence Artificielle et à même de proposer un matching efficace entre fiche de postes et bases existantes de candidats. Cette capacité d’investir massivement et d’innover tout en proposant des solutions interconnectées se retrouve chez Microsoft dont les partenariats avec LinkedIn dans le domaine du développement des compétences se multiplient. La firme va même jusqu’à travailler sur des outils de détection de compétences clés à travers l’analyse de données issus des outils de la suite Office !

  Dans la même veine, les GAFAM n’hésitent plus à profiter de leur force de frappe pour multiplier les initiatives de plateformes en ligne visant à faciliter la formation professionnelle (Grow with Google, Learn with Facebook, Google Primer, Grasshopper…) Les nombreuses plateformes de cours en ligne pour développer des compétences business ou digitales, les applications mobiles pour apprendre à coder ou encore les programmes experts plus spécifiques de certification comme Analytics viennent inonder le marché de la formation en ligne de micro-ressources (vidéos, quiz…) et attirer de nombreux demandeurs d’emploi et petits entrepreneurs désireux d’acquérir rapidement des compétences. En effet, la promesse d’efficacité et le culte de la rapidité porté par les GAFAM est certainement au cœur de leur succès. Même si les pratiques de formation restent encore majoritairement une affaire de création de contenu en interne, la gratuité proposée par les GAFAM et leur investissement croissant dans les contenus ciblés pourraient à moyen-terme changer la donne.

  En réalité, cette conquête timide des marchés concernés sur le moyen-terme n’est pas un problème pour les géants du numérique. Effectivement, leur objectif est avant tout de développer un puissant levier de softpower et de formater le monde du travail et des RH sur le long-terme comme en témoigne l’implantation de centres de formation physiques de Google en France en 2018 où l’on retrouve des formations directement liées au business model de l’entreprise : « Développer son entreprise grâce au référencement naturel. » Même si Facebook et Microsoft semblent avoir pris de l’avance dans ce domaine, Amazon et son ambition de devenir le futur supermarché de la filière formation en ligne, et Apple et son rêve de faire d’Itunes un marché de l’éducation s’intéressent eux-aussi fortement au secteur de la formation et des RH. Dans tous les cas, au-delà des investissements et des stratégies plus ou moins fructueuses des GAFAM pour révolutionner le secteur, leur prestige leur assure un puissant vecteur de diffusion de pratiques RH (cultures apprenantes et bien-être des collaborateurs, importance de la formation, du coach-manager, hausse des salaires, importance de la créativité dans le processus de recrutement, diversité…)

  Cependant, avec ses 13 licornes sur le marché de l’ed-tech, la Chine et ses investissements massifs viennent remettre en cause les prétentions hégémoniques des GAFAM en proposant le modèle alternatif des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.) Ainsi, la guerre de l’innovation dans les domaines de la formation professionnelle, de l’éducation et des RH semble lancée… et bien malin celui qui prétendra prédire les conséquences de telles rivalités entre les géants internationaux du numérique et de la tech.