En pleine explosion depuis la pandémie, le télétravail n’est pas l’arme redoutable contre le réchauffement climatique, comme certains articles le disent.
A priori, on associe assez intuitivement le télétravail à une solution écolo qui permettrait aux entreprises et aux salariés de réduire leur empreinte carbone tout en améliorant les conditions de travail des salariés. Quand on parle télétravail, on pense aux trajets bureau-maison en moins, aux économies de lumière et de chauffage etc… Pourtant, dans les faits, l’effet du télétravail sur notre empreinte carbone est-il aussi significatif qu’on pourrait le penser ? Dans certains cas, le télétravail n’est-il même pas plus polluant que le travail en présentiel ?
Cette question, volontairement provocatrice, nous force néanmoins à regarder de plus près les potentiels bienfaits du télétravail pour la planète. Premièrement, intéressons-nous aux gains de trajets travail-domicile. En plus d’être économique, le télétravail semble à première vue écologique sur ce point. En effet, comment pourrait-on accroître son empreinte carbone en passant sa journée en pyjama à travailler depuis son canapé ? Même si je force le trait ici, l’idée est là : télétravail = moins prendre sa voiture = réduction de mes émissions de gaz à effet de serre. CQFD ! En réalité, comme le souligne l’universitaire britannique Steven Sorrell, l’équation n’est pas aussi simple. En effet, en s’appuyant sur 39 études portant sur les impacts énergétiques et climatiques du travail à distance, Sorrell a remarqué que le télétravail avait des répercussions sur nos autres déplacements . Lui et son équipe de chercheurs de l’Université de Sussex sont définitifs : « selon la nature du trajet et le moyen de transport utilisé, on peut constater une annulation des économies d’énergie réalisées sur la navette maison-bureau. » De plus, le télétravail peut encourager les salariés à s’éloigner progressivement de leur lieu de travail ce qui peut in fine quasiment annuler les bénéfices de ce mode de travail !
Cette logique peut se retrouver avec la question du chauffage. En effet, les locaux des entreprises étant mieux isolés que les logements des particuliers, il faut logiquement moins d’énergie pour chauffer un bureau de 50 personnes que pour chauffer 50 appartements. Néanmoins, comme l’a prouvé l’entreprise de conseil métier et ingénierie WSP, l’empreinte carbone moyenne d’un Britannique en télétravail vs au bureau dépend essentiellement de la composition du foyer depuis lequel on travaille. D’après leur étude, il faut rassembler au minimum 2 télétravailleurs dans un même logement pour rendre le télétravail écologique en termes d’économies de chauffage. Encore une fois, ces questions dépendant de beaucoup de facteurs différents et ces chiffres varient en fonction de la nature du télétravail pratiqué. En effet, un télétravail à 100% peut permettre à l’employeur d’investir dans de nouveaux locaux plus petits et d’économiser substantiellement de l’argent tout en réduisant l’empreinte carbone de son entreprise. En revanche, un télétravail partiel n’incite que très rarement les entreprises à revoir leur stratégie immobilière ce qui risque donc de conduire in fine à une augmentation substantielle des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise et des salariés.
De même, le télétravail est souvent synonyme d’une augmentation de l’activité numérique des entreprises. Or, qui dit numérique, dit pollution invisible ! En effet, comme le rappelle la directrice RSE de l’agence de consulting Bartle Valérie Richard, « l’impact énergétique de l’informatique est énorme. » Les réunions sur Zoom, les mails, et les fichiers partagés sont donc autant de nouvelles données qu’il va falloir stocker dans des data centers hyperénergivores dispatchés aux 4 coins de la planète. Heureusement, il existe des solutions pour limiter l’impact énergétique de notre activité numérique : éteindre sa webcam en réunion quand c’est possible, supprimer régulièrement ses mails, débrancher ses appareils lorsqu’ils sont chargés…
En conclusion, les bénéfices écologiques du télétravail dépendent de multiples facteurs. En somme, ce n’est pas tellement le télétravail en soi qui est écologique mais bien la façon dont on le pratique. Encore, une fois, l’engagement écologique des entreprises et des salariés est déterminant pour faire émerger de nouvelles pratiques à même de déboucher sur un « éco-télétravail. »
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