Les entreprises manqueront de 1,5 millions de profils qualifiés en 2030, et la pénurie de talents a déjà atteint certains secteurs, délaissés depuis la pandémie (BTP, ou encore l’hôtellerie-restauration, qui a perdu 10% de ses travailleurs entre février 2020 et février 2021). Cela oblige les entreprises à davantage investir dans leur marque employeur, et à développer de nouvelles stratégies de sourcing. Les candidats en situation de handicap attirent ainsi une attention croissante de la part des équipes RH, quand on sait que le taux d’emploi des personnes en situation de handicap (PSH) était de 36% fin 2021, versus 65% au total de la population Française (source Agefiph).
Mais pratiquer un recrutement inclusif, et notamment du handicap, ne s’improvise pas. Voici donc 10 techniques identifiées par des acteurs renommés du secteur ou que j’ai pu constater lors de mes interventions, dans le but de mettre en place un processus de recrutement et des entretiens adaptés aux besoins des candidats et des candidates en situation de handicap.
Conseil #1 : Interrompre ses biais et ses stéréotypes en lien avec le handicap
Nous avons tous des biais cognitifs, en fonction de nos expériences et de nos croyances propres. Nous pouvons avoir parfois tendance à « mettre les gens dans les cases », notamment quand il s’agit de personnes issues de la diversité. Les personnes en situation de handicap sont ainsi souvent victimes de stéréotypes, qui peuvent les empêcher de se développer pleinement professionnellement, voire parfois se transformer en croyances limitantes. Le stéréotype le plus commun est le lien qui est souvent fait entre handicap et mobilité réduite (alors que 80% des handicaps sont invisibles). D’autres stéréotypes classiques concerne la performance, la dépendance ou encore l’implication des collaborateurs et des collaboratrices en situation de handicap (« il sera souvent absent », « elle ne doit pas être aussi autonome qu’une collaboratrice valide »…).
Questionner ses propres biais et les stéréotypes auxquels on est sensible est essentiel avant d’entrer dans une démarche de recrutement inclusif du handicap.
Conseil #2 : Avoir une bonne connaissance de l’écosystème de l’emploi des PSH
MDPH, AGEFIPH, Cap Emploi, ESAT, FNATH, FIPHFP… Connaissez-vous ces organismes, et quels rôles ils sont amenés à jouer dans l’accompagnement des travailleurs handicapés ? Il est essentiel en tant qu’employeur de bien connaître votre écosystème, et de vous créer un réseau solide. L’AGEFIPH est un partenaire de choix pour améliorer vos pratiques, et bénéficier de nombreux conseils pour recruter et développer des personnes en situation de handicap (je vous invite notamment à consulter les contenus de Ressource Handicap Formation).
Conseil #3 : Adopter des pratiques de sourcing « handicap friendly »
Des pratiques de sourcing inclusives sont une étape phare d’un processus de recrutement inclusif. En effet, comme le veut la logique de l’entonnoir, plus on accède à un grand nombre de profils de candidats en situation de handicap, plus on a de chances de recruter des travailleurs handicapés.
Mais comment faire ? Vous pouvez par exemple établir des partenariats avec des organisations spécialisées (n’hésitez pas à contacter la mission locale de votre ville, ou le bureau local de la FNATH pour démarrer vos recherches). Vous pouvez également soumettre vos offres d’emploi via certains organismes comme Cap Emploi, pour toucher plus facilement des candidats potentiels en situation de handicap. Il existe aussi de nombreux événements et salons dédiés à l’emploi des personnes en situation de handicap et au networking, comme l’Inclusiv’ Day à Paris, ou Preventica dans plusieurs villes Françaises.
Conseil #4 : Vous assurer de l’accessibilité de votre processus de recrutement
L’accessibilité, un enjeu toujours de taille en 2023… surtout quand on voit le nombre de stations de métro accessibles aux personnes à mobilité réduite à Paris, mais je m’égare ! (Il y en a 9 sur 303, pour info). Les enjeux d’accessibilité démarrent dès votre site Internet, car en effet certaines personnes peuvent avoir des difficultés liées à une déficience visuelle (1/3 des internautes ont en effet besoin d’adaptations lors de leur navigation en ligne !). Pour adapter vos supports, consultez le site de Ressource Handicap Formation ici, ou renseignez-vous sur les normes d’accessibilité du consortium W3C. Au-delà de l’accessibilité numérique qui reste encore souvent oubliée, prenez bien en compte les besoins des personnes à mobilité réduite (car un site Internet accessible c’est top, mais un local au 6ème étage sans ascenseur, ça l’est beaucoup moins…).
Conseil #5 : Rédiger des offres d’emploi inclusives et adaptées aux attentes des candidats en situation de handicap
L’offre d’emploi est la pierre angulaire de votre processus de recrutement inclusif. Vous devez donc y prêter une attention toute particulière. Ainsi, il est essentiel de recourir à un langage inclusif, promouvant la collaboration et le bien-être. L’écriture inclusive est aussi recommandée. Mais il faut aller plus loin souvent pour rassurer des personnes en situation de handicap, en communiquant clairement autour de 5 thématiques :
- la démarche entreprise par l’organisation pour être inclusive (mention du Référent Handicap, engagement de l’employeur, précision que le poste est ouvert aux personnes en situation de handicap…).
- Il faut ensuite donner des précisions sur les possibles aménagements du processus de recrutement (cadre de l’entretien, modalités d’évaluation et déroulé de l’entretien…).
- Ensuite, vous devez fournir des informations sur l’environnement du poste de travail (accessibilité, environnement sonore et visuel), car l’information est centrale pour un candidat ou une candidate en situation de handicap.
- Donnez également des informations sur la « posture » : degré de sédentarité, position et aménagement en lien avec le poste…).
- Enfin, il est important de communiquer sur la méthode de management (bienveillance, empathie, position de manager-coach…nous pouvons d’ailleurs vous aider là-dessus via nos formations), et sur le rythme de travail (quelle cadence, quelle flexibilité…).
Tous ces éléments sont essentiels, ce qui nécessitera une structure claire et compréhensible de l’offre (en créant un encart « Accessibilité du poste » par exemple).
Conseil #6 : Mener un entretien inclusif : faire attention à ce qu’on peut dire… et à ce qu’on ne peut surtout pas dire !
Parfois par maladresse, les entretiens d’embauche peuvent devenir un cauchemar pour les candidats en situation de handicap – voire hélas, faire perdurer des pratiques discriminatoires. En effet, il est totalement interdit de questionner un individu sur sa santé, ou sur la nature de son handicap. Le seul objet de l’entretien est de tester les compétences du candidat ou de la candidate en face de vous, et d’échanger sur sa motivation. Ne présumez bien-sûr pas des adaptations nécessaires ou des limitations d’une personne en fonction du handicap d’une personne. En revanche, il est tout à fait possible et même recommandé d’échanger sur la question des aménagements raisonnables du poste de travail qui seraient nécessaire au candidat ou à la candidate. Si vous avez un doute sur l’adéquation entre les conditions du poste de travail et le handicap d’une personne, veuillez contacter le médecin du travail, et ne prenez pas la décision vous-même, ni en concertation avec le candidat ou la candidate.
Conseil #7 : Prendre le screening CV et la prise de décision d’embaucher par le prisme des compétences uniquement
Les personnes en situation de handicap ont le choix de mentionner leur RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) sur leur CV. Que le handicap soit clairement mentionné, ou sous-entendu, il n’a pas à influencer votre décision aux différentes étapes du processus de recrutement. Comme pour tout candidat, votre attention doit être portée sur les compétences. Attention aussi à ne pas tomber dans un autre écueil, notamment si vous n’atteignez pas le palier de 6% de collaborateurs en situation de handicap dans l’entreprise (qui est une obligation en France pour toutes les entreprises avec plus de 20 salariés).
Conseil #8 : Adopter une communication inclusive, mentionnant votre référent handicap, et les différentes initiatives entreprises par votre organisation pour favoriser l’emploi et l’inclusion des PSH
On parle de plus en plus de marque employeur, mais dans le cadre du handicap, il est fondamental de communiquer sur ses engagements et sur sa politique handicap, sans tomber dans le diversity washing. Dès lors, que mettre en place ? Communiquez régulièrement sur vos réseaux sociaux (notamment LinkedIn), pour présenter les actions entreprises pour sensibiliser tous les collaborateurs aux enjeux du handicap (ateliers, conférences – comme avec Boost my Talents par exemple!). Donnez également la parole à des collaborateurs en situation de handicap, pour témoigner de leur quotidien, ou à minima dans un effort de représentation de la diversité. Et bien sûr, relayez les signatures de chartes, ou les certifications que vous obtenez, en lien avec le handicap (Label Diversité d’AFNOR par exemple). Par notre expertise du handicap en milieu professionnel, nous pouvons vous conseiller et vous aiguiller sur ces sujets. En revanche, ne forcez personne à prendre la parole, et assurez-vous que vos collaborateurs en situation de handicap sont effectivement inclus et valorisés dans l’entreprise, pour ne pas créer un effet tourniquet, où vous arriveriez à recruter, mais pas à fidéliser, faute d’un environnement assez sûr psychologiquement.
Conseil #9 : Anticiper l’intégration du collaborateur ou de la collaboratrice en situation de handicap
Un candidat ou une candidate en situation de handicap a accepté votre offre ? Il est donc le moment de préparer son intégration, en faisant attention à l’approche que vous mettez en place. Travaillez avec la médecine du travail et l’AGEFIPH pour adapter le poste de travail selon les besoins de votre futur collaborateur ou future collaboratrice, et assurez-vous bien que le manager d’équipe a été formé au management des personnes en situation de handicap (si vous ne l’avez pas fait, contactez-nous pour en parler !). Prévoyez également des entretiens de suivi pendant la période d’essai du collaborateur, et ce plus fréquemment qu’avec un collaborateur valide, pour s’assurer de la pertinence des aménagements de poste mis en place. Attention cela dit : quand je parle d’entretiens plus fréquents, je pense 1 fois par mois, et pas toutes les semaines : il faut en effet éviter à tout pris une posture paternaliste voire infantilisante. Enfin, n’oubliez pas : seul le collaborateur ou la collaboratrice en situation de handicap doit décider de communiquer à son manager ou à l’équipe son handicap. S’il ou elle souhaite garder l’information confidentielle, vous devez respecter son choix. Si la personne en situation de handicap souhaite communiquer dessus en revanche, n’hésitez pas à organiser des ateliers de sensibilisation et des moments d’échange à destination de l’équipe, pour interrompre en amont tous les potentiels biais et stéréotypes.
Conseil #10 : Pas de recrutement inclusif qui tienne sans culture inclusive et approche intersectionnelle !
Je vous ai partagé un certain nombre de bonnes pratiques pour recruter des personnes en situation de handicap. Mais n’oubliez pas, vous ne pourrez pas fidéliser vos collaborateurs en situation de handicap si votre culture et vos valeurs ne sont pas résolument inclusives. Chaque collaborateur et collaboratrice doit pouvoir être soi-même en entreprise, et exprimer ses opinions, qu’elles divergent ou non de celles de la majorité.
Prenez bien soin également à prendre en compte le caractère intersectionnel dans vos politiques en lien avec le handicap, et plus généralement avec la diversité. En effet, chaque individu est la somme de ses singularités, et de nombreuses personnes peuvent se définir via différents critères de diversité (genre, âge, orientation sexuelle…). Si vous ne prenez que le prisme du handicap lors de vos recrutements, vous risquez de passer à côté de certains besoins de vos candidats, et de ne pas identifier toutes les barrières systémiques. Et bien sûr, au-delà de la diversité, chaque entretien de recrutement est la rencontre des aspirations et les compétences d’un individu avec la culture et la mission d’une entreprise.
Dans une époque où nous savons que la diversité et l’inclusion augmentent la performance opérationnelle (+60% selon le BCG !) et l’engagement des équipes (jusqu’à 3×3 fois vs les équipes non inclusives), il est essentiel de favoriser l’emploi des PSH. Et alors que l’adaptation des processus de recrutement est critique, il ne faut pas pour autant perdre de vue que le rôle du manager est d’embaucher la personne la plus compétente pour un poste donné, indépendamment de sa diversité ou de son handicap.
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