Phénomène commun dans les startups, scale-ups et entreprises américaines, la recherche de « la rockstar qui rejoindra une équipe super pour une mission de dingue » peut donner lieu à des effets négatifs, comme le manque de diversité en entreprise, ou la mise de côté de certains profils de candidats, notamment féminins.
Je ne sais pas vous, mais moi il ne se passe pas un jour sans que je vois passer sur LinkedIn une annonce de recherche d’emploi mentionnant l’intention de recruter une rockstar. Si vous demandez aux recruteurs et aux hiring managers, ils vous diront sans doute qu’ils ne font rien de mal, bien au contraire : il est quand même plus logique de se mettre en quête d’un ou d’une top performer, plutôt que d’une personne aux aptitudes moyennes, n’ayant pas fait ses preuves quant à l’expertise visée. Vous imaginez l’offre de job ? « Bonjour, nous recherchons une personne médiocre, pour rejoindre une équipe médiocre, et faire des choses banales, car non nous ne sauvons pas des vies Messieurs-dames. »
Sur ce point, on est d’accord : il est important de valoriser les missions, l’équipe, et bien sûr la culture de l’entreprise dans une offre d’emploi, ou de stage. Mais votre candidat.e n’a pas besoin que vous le flattiez de la sorte par écrit. Ce n’est pas bien grave, me direz vous. « En plus, rockstar, c’est un terme un peu inclusif non, puisque cela s’accorde au féminin ? »
Et c’est là tout le problème. L’utilisation du terme rockstar, par des effets insidieux, peut avoir de vraies conséquences sur la qualité de vos recrutements, et sur la performance de l’entreprise. Le mot « rockstar » n’est pas inclusif : terme anglosaxon, il renvoie à une surperformance, et a un côté « exceptionnel ». La rockstar, c’est celui ou celle qui produit un « waouh effect », que tout le monde connait, et admire. Mentionné dans une offre de job, il sera pris pour certains comme la recherche d’une expertise, ou d’une compétence dans un domaine particulier, mais pour d’autres, il sera le mur infranchissable qui empêchera le – et plus souvent la – candidat.e de postuler. En effet, beaucoup de gens, et notamment beaucoup de femmes, ne se reconnaitront pas dans une terminologie ultra positive, d’affirmation de puissance. N’oubliez pas que les candidates attendent de disposer de presque 100% des compétences mentionnées dans une offre, là où les candidats eux se lancent quand ils possèdent à peine 60% des compétences requises – je vous conseille d’ailleurs ce très bon article de The Atlantic pour en savoir plus.
Le terme de rockstar, au caractère particulièrement non inclusif, peut jouer sur les peurs inconscients des candidates, et de certains candidats, et raviver leur syndrome de l’imposteur (« Attends, je n’arrive déjà pas à finir ma to do dans mon job actuel, et ce manager me demande d’être exceptionnelle en plus ?! Je n’y arriverai pas c’est sûr.»).
La première conséquence pervers du terme « rockstar » est bien sûr de dissuader de très bons candidats et candidates de postuler, avec en ricoché l’effet encore plus pervers de vous priver de diversité suffisante dans votre entreprise, et de fonctionner en vase clos. Ainsi, le genre, l’orientation sexuelle, l’origine, le diplôme… sont autant d’éléments fondateurs de la diversité. Or les femmes, ainsi que toutes les personnes issues de la diversité, sont bien au fait de leur position « d’outsider », et conscientes des potentiels désavantages que leur situation peut engendrer. Ces personnes vont avoir besoin de confirmer le caractère inclusif et divers d’une entreprise avant de postuler (et c’est d’autant plus vrai pour les nouvelles générations : 23% d’entre eux choisissent leur employeur en fonction du critère de diversité et d’inclusion (source HR Voice)!
Comment parler aux personnes issues de la diversité, du coup ? Eh bien, en utilisant tout simplement des termes inclusifs, dans vos offres d’emploi, dans vos annonces LinkedIn, et plus simplement, dans toutes vos communications écrites. Sortez d’une logique « results driven », même si cela semble contre intuitif, notamment dans une période de forte croissance, ou de fast-scale. D’un champ lexical agentique, passez à un champ lexical valorisant la communauté : cherchez des personnes collaboratives, amicales, ouvertes, avec l’esprit d’équipe. Evidemment, tout est question d’équilibre, et si la dimension « résultats/ compétition » est clef au poste ou à la culture de l’entreprise, vous pouvez glisser un ou deux termes pas très inclusifs dans votre annonce, toujours par petites touches, comme par exemple être assertif, déterminé, expert,… le tout étant de recourir en majorité à des termes inclusifs (créatif, adaptable, multitâche, résilient, persévérant…).
Certain.e.s d’entre vous ne sont peut-être encore pas très convaincu.e.s de l’intérêt de passer du temps à vérifier chaque mot d’une offre d’emploi ou d’un post LinkedIn : pas facile c’est sûr, surtout quand vous devez gérer beaucoup de postes. Pourtant, cet effort est essentiel, pour éviter que des mots utilisés maladroitement sur LinkedIn fassent fuir de potentiel.les candidat.e.s, et nuisent à la diversité de vos équipes. Il suffit de regarder les statistiques, pour se convaincre de l’importance d’une communication inclusive : une équipe inclusive a 1.3 fois plus de chances d’innover, prendra 87% de meilleures décisions business en moyenne (plus d’infos sur l »étude ici), et arrivera à une prise de décision 2 fois plus vite, selon le Harvard Business Review (article dans son intégralité ici). Vous l’aurez compris, la diversité est au cœur de la performance de l’entreprise. Et si on regarde au niveau RH, on voit que l’inclusion améliore l’engagement des collaborateurs de 42%, ce qui représente une économie de coût énorme pour l’entreprise.
C’est tout le paradoxe caché derrière l’utilisation de termes comme celui de « rockstar » : la meilleure manière de recruter une vraie rockstar… est de ne pas la chercher, et encore moins de la nommer !
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