Renforcée par le Covid, la tendance du flex office se développe à vitesse grand V dans les entreprises françaises.

Propulsé dans les années 90 par les cabinets de conseil, le concept de « flex office » ou de « sans bureau fixe » en bon français revient en force dans le cadre de la démocratisation du télétravail impulsée par la crise sanitaire. En effet, ce mode d’organisation selon lequel les collaborateurs ne disposent pas de poste de travail fixe s’appuie sur un constat simple : entre les réunions, les déplacements, les RTT, les congés, les arrêts maladies et maintenant la montée en puissance du télétravail dans la plupart des entreprises, les bureaux individuels sont quasiment tous sous-utilisés. Résultat, dans les villes les plus prisées où les mètres carrés se font rares, le flex office semble être la solution toute trouvée pour réaliser des économies substantielles. Néanmoins, une transformation aussi radicale de l’espace de travail – où les salariés n’ont plus du bureau attitré mais partagent une variété d’espaces avec leurs collègues (open space, bulles, espaces calmes, zone café…) -suppose un accompagnement approfondi des salariés afin d’éviter une dégradation des conditions de travail et une perte de repères pour ces derniers.

  En réalité, même si mathématiquement dans bien des cas les directeurs immobiliers et les directions pourraient aller jusqu’à supprimer 60% du nombre de places par rapport à l’effectif de travail, le flex office s’impose souvent comme une nouvelle approche du travail plutôt que comme une source significative d’économies. En effet, selon une étude de l’acteur immobilier JLL publiée en 2018, un projet de passage en flex office sur deux ne déboucherait pas sur une économie de mètres carrés. Cette restructuration de l’espace de travail relève donc plutôt d’une approche qualitative qui vise à valoriser un maximum chaque mètre carré. Effectivement, les nouvelles conditions de travail qui se sont imposées dans le cadre de la crise sanitaire (réunions en visioconférence, appels téléphoniques répétés…) conduisent à l’adoption de nouvelles pratiques qui ne nécessitent plus forcément de bureaux individualisés mais qui appellent plutôt à la mise en place d’open spaces, de bulles, de salles de réunion…

  Le flex office n’est donc pas le bras armé d’une nouvelle vision déshumanisante et déstructurante du travail. Au contraire, il propose d’accompagner les salariés dans leurs nouveaux besoins et de faire émerger à nouveau du sens au travail en reconstruisant des espaces collectifs propices au dialogue, à la convivialité et à la créativité. L’idée est de créer des zones délimitées, équipe par équipe, pour recréer des routines de travail sans casser le dynamisme des salariés. La mobilité y est partout encouragée : il ne s’agit pas de reconstruire des barrières entre les salariés en remplaçant les frontières de l’organigramme par celle du copinage, mais bien de faire émerger des regroupements par projet afin de favoriser le transfert de connaissances et de compétences. Sans tomber dans les travers d’une uniformisation excessive de l’espace de travail, le flex office doit toujours placer l’ergonomie au cœur de ses préoccupations pour répondre au mieux aux besoins des salariés (double écran, tables plus larges, salles insonorisées…) tout en assurant un cadre de travail un minimum personnalisé (la décoration doit permettre aux salariés de s’approprier l’espace de manière ludique et dynamique.)

  Cependant, le flex office, même s’il valorise toujours le mouvement et la coopération, ne doit pas tomber dans certains travers dogmatiques. En effet, la mobilité des salariés doit toujours répondre à un besoin pratique et l’idée n’est pas de bouger pour bouger au risque de déstructurer totalement l’espace de travail. Il faut préserver un minimum de repères et de routines pour les salariés et ne pas les enfermer dans de nouvelles habitudes stressantes en les forçant à utiliser des logiciels de réservation de places pour optimiser excessivement cette nouvelle organisation du travail. Un flex office rigide sans pédagogie qui viendrait entraver les salariés dans leur mobilité en les empêchant d’accéder à leur espace de travail quand ils le souhaitent irait à l’encontre de l’esprit initial de cette approche du travail. En effet, l’idée est toujours de promouvoir le dialogue, la mobilité, la créativité et le dynamisme. Bien loin de faire émerger de nouvelles règles contraignantes pour tous, le flex office (comme son nom l’indique) vise avant tout à flexibiliser le travail et à répondre aux nouveaux besoins des salariés en leur proposant des règles d’organisation adaptables.